La pandémie m'a brisé.
Je suis une bonne employée. Je suis travaillante. Je suis polyvalente. Je suis professionnelle. Je donne mon 100% dans ce que j’entreprends. Je suis un atout important pour mon employeur. On peut me faire confiance. Je sais voir le travail et je le fais avec rigueur. Je gère les projets, je les amène à terme.
Je suis une bonne maman. J’aime gâter mes enfants. J’aime les voir grandir et s’épanouir. Je suis présente pour eux et je leur inculque
de bonnes valeurs. Je leur fais de bon
repas et de beaux desserts. Je joue, je
ris avec eux. C’est un bonheur de les
voir apprendre. Je suis si fière de ce
qu’ils deviennent.
Je suis une bonne épouse. Je suis amoureuse, cajoleuse.
J’aime avoir du temps avec mon mari;
rire, danser, flâner. On a tellement de plaisir ensemble. Je crois en lui; je
le trouve si beau et si bon. Il peut
tout faire. J’apprécie notre temps en famille; les jeux, les films, les
projets.
Je suis une bonne personne. Je suis positive. J’apprécie la communication, être entourée de
gens. Je suis curieuse, sociable et souriante. J’aime aider; tout essayer. Je peux tout faire, rien ne m’arrête.
Mais cette fille-là, on l’a échappé il y a quelques
mois. Elle s’est brisé.
Se lever le matin, c’est difficile. Aller au travail,
c’est angoissant. Rencontrer des gens en
entrevue, c’est fatiguant. Entendre les
collègues faire leur travail, c’est dérangeant.
Se lever le matin, c’est difficile. Préparer le diner
et le souper, c’est angoissant. Faire
les devoirs, c’est fatiguant. Entendre
les enfants jouer et s’amuser, c’est dérangeant.
Se lever le matin, c’est difficile. Discuter avec mon mari, c’est angoissant. Faire le ménage de la maison, c’est
fatiguant. Voir mon mari tout faire dans
la maison, c’est dérangeant.
Je suis fatiguée et émotive. J’ai envie de ne parler à personne. Je suis
anxieuse, marabout et irritable. Mes
collègues parlent trop fort. Le travail
ne me motive plus. Les tâches qu’on me
demande me semblent tellement insignifiantes.
Mes enfants m’énervent. Je n’ai pas envie de les écouter me raconter
leur journée. Mon mari m’énerve. Je n’ai pas envie d’avoir de câlins ni de
bisous.
Ce qui m’animait, maintenant me démoralise.
La pandémie m’a vraiment brisé. Et je cherche comment me réparer…
On nous a demandé de se confiner contre une menace inconnue
et invisible.
On nous a demandé de rester chez nous; de ne plus côtoyer
nos familles ni nos amis.
On nous a demandé de fermer nos commerces. Plus d’emploi, plus de salaire.
On nous a demandé de laisser tomber nos loisirs.
On nous a demandé de travailler à temps plein de la
maison avec des enfants qui réclament de l’attention et des soins. On a continué de le faire en se disant qu’au
moins, nous on a un salaire.
On nous a demandé de réorganiser notre système d’éducation.
On nous a demandé de scolariser nos enfants à la
maison.
On nous a demandé de renouveler nos pratiques de A à Z
et de réinventer notre travail en quelques semaines.
On nous a demandé d’éviter les contacts physiques, de
garder 2 mètres de distance avec quiconque ne faisant pas partie de notre
foyer. Plus de câlin, plus de proximité.
On nous a demandé de se masquer. À quoi bon sourire!
On est passé à une vie 2.0 en quelques semaines.
Trop de changement, trop rapidement.
Y’a de quoi développer un beau trouble d’adaptation,
non!
Au moins je sais que je suis brisée. Maintenant reste à trouver comment me
réparer.
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